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Dix ans ont passé depuis son séjour à Stamboul et sa rencontre avec la belle Azyiadé. Cette fois-ci, Loti séjourne au Japon le temps d'un été, sur le flan des montagnes de Nagasaki.
Il est coutume dans ce pays, pour les voyageurs faisant une halte courte, de prendre le temps de leur visite une jeune femme comme épouse. L'union cesse lors du départ de l'étranger aussi naturellement qu'elle se scelle.
Dès son arrivée sur la rade nippone, Loti, à l'aide d'un entremetteur local prend pour épouse Mademoiselle Chrysanthème. Mais voilà, la magie n'opère pas. Ce mariage est marqué par une respectueuse indifférence des deux partis. Loti s'ennuie. Et cela ne fait que renforcer le sentiment que le marin éprouve à l'égard du Japon : il ressent une certaine curiosité, mais la trop grande différence culturelle crée un fossé qu'il ne parvient pas à franchir. Pour le pays comme pour l'épouse, il passe mais ne s'attache pas.
Tout renvoie comme le négatif d'une photographie à ce qu'il a vécu dix ans plus tôt avec la jeune turque. A Stamboul, des couleurs et de la passion. A Nagasaki, du blanc et de l'indifférence.
Et c'est là que l'auteur opère un double tour de force. Il parvient d'une part à nous tenir en haleine alors que lui-même s'ennuie. Il espère éveiller son intérêt pour son épouse, cette culture, ce pays et nous espérons avec lui. D'autre part, Loti adapte merveilleusement son écriture à la situation. Tant dans Aziyadé son style était plein de sensualité, de passion, de moiteur, en un mot, de désir, tant dans Madame Chrysanthème ce sont le calme, le silence, le dépouillement qui dominent. Comme je le disais dans l'article précédent, le fait d'adapter le style d'écriture au récit permet une grande immersion, et en quelques lignes le lecteur est plongé dans ce Japon où chantent les cigales sur les vertes montagnes où trônent des maisons de papier à l'odeur des lotus.
Encore une fois, j'ai été ravi par la lecture de ce livre. Encore une fois, je pense qu'il y a fort à parier que je replonge bientôt dans les aventures de l'amiral Loti.